Offre spéciale "Où sont les hommes ?"
- Emilie CHapuis
- 27 janv. 2024
- 2 min de lecture
"Je pleure mon frère décédé ... et j'ai envie de m'excuser de pleurer ! "
L'homme qui m'a partagé cette phrase m'a émue. A cet instant, nous regardions en face - et ensemble- la virulence du conditionnement "d'homme" reçu - à grands coups de punitions physiques - à la fin des années 50. Les émotions, c'était puni. Et si fortement qu'elles n'existèrent plus pour lui que sous 2 modes : inexistantes ou envahissantes... et génératrices de violences. Autant qu'il a pu, il a donc tu ce qui se passait en lui.
Son frère est mort en 1980. Il a pu le pleurer en 2024, la semaine dernière .
En s'autorisant des larmes dans le secret de mon cabinet de thérapeute-, cet homme m'a fait l'immense cadeau d'une prise de conscience.
Voilà un moment que je me demandais "Mais où sont les hommes ?" Dans ma vie, désormais consacrée à permettre aux Humains de se connecter à leurs propres ressources, leurs envies, leur puissance... J'en croise peu.
Ils sont 1/5e des certifié.e.s en Communication NonViolente en France, rarement plus d'un tiers des participants d'un stage ou d'une pratique. "Pourtant la CNV a été modélisé par un homme", me rappelait @Pierre -Antoine Valero, un copain formateur :-)
Oh je sais bien que les hommes sont socialisés en étant invités à se méfier, voire à ridiculiser les émotions - et en particulier les leurs. Mais ce jour-là, j’ai pris en plein cœur ce que « devoir taire ses émotions » signifie, corporellement, profondément... J'ai pris une plus grande conscience de l'ampleur du drame.
Le drame individuel de ces pères qui fuient au travail les émotions qu'engendrent une naissance, de ces hommes qui conservent des tristesses et des joies enfouies, de ces taiseux qui préfèrent voir une relation finir que de dire un peu d'eux...
Et notre drame collectif, qui fait que les personnes qui - par le jeu du patriarcat - ont souvent le plus de pouvoir d'agir dans nos sociétés sont aussi celles pour qui décider de façon ancrée et alignée est - statistiquement - le plus difficile, demande de dépasser des conditionnements immenses.
Comme dit mon ami Olivier Coffin : "Quand la tâche semble immense, d'abord revenir à sa zone de pouvoir ! ».
Retour à ma zone de pouvoir, c'est dans mon rôle de formatrice en NonViolence, écrire ce post, imaginer cette offre irrésistible et trafiquer cette image pour nous faire sourire, au delà de la tristesse du sujet...
C'est aussi revenir à ma famille. Je suis maman de 2 fils. Et je bosse fort (sur moi surtout) pour qu'ils puissent vivre pleinement "tous leurs rires et tous leurs pleurs" comme disait Marshall Rosenberg, toute la puissance de la vie en eux. Pour qu'ils ne confondent pas "courage" et "se couper de moi", ni "réussir" et "faire ce que les autres attendent - sans écouter ma joie ni mes valeurs"; ni "être un homme" et "tenir, faire face, quoi qu'il m'en coûte intérieurement"...
Et ça demande de l'énergie - ça tombe bien, j'en ai plein et on est pleins sur ce chemin !

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